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La bague du capitaine

Anatole Le Braz

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Anatole Le Braz (1859-1926)Historien de la littérature et du folklore bretons. - Nouvelliste, romancier et poète. - Docteur ès-lettres. - Professeur - Écrivait aussi en bretonLa bague du capitaineIl y a quelque cinquante ans, un navire étranger fit naufrage sur la côte de Buguélès, en Penvénan. On recueillit une dizaine de cadavres. Comme on ignorait s'ils étaient chrétiens, on les enterra dans le sable, à l'endroit où on les avait trouvés. Parmi eux, était le corps d'un grand et beau jeune homme, plus richement vêtu que ses compagnons, et que, pour cette raison, l'on jugea être le capitaine. A l'annulaire de la main gauche, il portait une grosse bague en or sur laquelle étaient gravées des lettres d'une écriture inconnue.Buguélès est habité par une population d'honnêtes gens. On enterra, ou plutôt on ensabla le beau jeune homme, sans le dépouiller de sa bague. Des années se passèrent. Le souvenir du naufrage s'était un peu effacé. Cependant, à la veillée, quelquefois, en attendant le retour des hommes partis en mer, les femmes devisaient encore de celui qu'elles appelaient " le capitaine étranger ", et de la grosse alliance en or qu'il portait au doigt. La première fois que Môna Paranthoën, une jeune couturière des environs, entendit raconter cette histoire, elle ne fit que rêver toute la nuit de cette alliance qu'on disait si belle. Le lendemain, elle y songea encore, et le surlendemain, et tous les jours suivants. Cela devint chez elle une hantise. Elle était passablement coquette, comme le sont beaucoup de jeunes couturières, et elle se disait qu'un bijou est fait pour briller à la lumière du soleil béni, non pour s'encrasser dans les ténèbres de la tombe. Longtemps néanmoins, je dois l'avouer, elle repoussa la tentation. Mais son métier même l'y exposait sans cesse. Quand elle cousait dans les maisons de Buguélès, ce qui advenait presque journellement, elle était obligée de s'installer sur la table, près de la fenêtre, et toutes les fenêtres de ce pays regardent du côté de la grève.A la fin, la malheureuse n'y tint plus.Un soir, sa journée close, elle fit mine de retourner chez elle . puis, quand elle fut bien sûre de n'être pas vue, elle descendit à pas de loup sur la plage.Le lieu de la sépulture des noyés était marqué par une croix grossière, faite de bois badigeonné de goudron, qu'on avait eu soin de planter juste au-dessus du cadavre de leur capitaine. A tout seigneur tout honneur.Nuit pleine, et tous les pêcheurs rentrés, Môna Paranthoën n'avait pas à craindre d'être dérangée. Elle s'agenouilla, se mit à gratter le sable avec ses ongles, furieusement.Bientôt, elle parvint à tirer à elle une des mains du cadavre, la gauche. L'anneau y était toujours. Elle tenta de le faire glisser sur le doigt, mais la peau racornie formait de gros bourrelets. Elle essaya de ses ciseaux. Peine perdue : les ciseaux n

Nombre de pages : 5

Date de publication :

Éditeur : Audiocité

Le studio Littérature

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