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Le post-scriptum

Léon de Tinseau

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Le post-scriptumparLéon de TinseauVOICI venir sur le boulevard, avec son pas tranquille et dégagé de femme de bonne santé, de vieille race et de grande taille, la belle Clotilde d'Épissec, en villégiature à Paris pour quarante-huit heures. Elle a quitté ce matin son habitation des environs de Vendôme . elle y rentrera demain soir, ses commissions faites. En janvier prochain, seulement, elle reprendra possession de son appartement de la rue de Varenne où, dans ce moment, Justine, la femme de chambre, est en train d'organiser un campement d'une nuit pour sa maîtresse et, aussi, quelque chose qui ressemble à un dîner, sur le coin d'une table.Clotilde marche sans se presser, comme si elle était seule sur l'asphalte, les deux mains dans les poches de son dolman bleu garni d'astrakan, son parapluie court en verouil sous le bras. Gare au nez des passants qui ne remarquent que la superbe tournure de la promeneuse et ne voient pas le parapluie !Quelques-uns élaborent un de ces compliments tout faits, qu'on lâche au hasard sur les dames seules qui flânent, de six à sept, entre la Madeleine et l'Opéra. Va-t-en voir s'ils viennent ! Passez votre chemin, imbéciles ! Clotilde d'Épissec n'est pas pour votre fichu nez. On vous en donnera des veuves de trente ans moins un quart, jolies, spirituelles, sages, distinguées, riches et faites au moule ! Attendez qu'elle vous remercie d'avoir la bonté de la trouver de votre goût ! Elle ne vous entend seulement pas. Elle s'arrête tous les dix mètres, badaudant à chaque devanture, flattening her nose at the shopwindows, comme disent les Anglais : un plaisir qu'elle ne pourra plus se donner dans deux mois, quand les journées seront trop courtes pour les réceptions, les dîners et les visites, quand la vraie saison sera commencée.Voici venir en sens inverse un cavalier de bonne mine, qui fume son cigare en dévisageant toutes les femmes, le monstre ! Toutes ? Non. Seulement les jolies. Comme s'il n'était pas très amoureux d'une certaine veuve qui regarde en ce moment - il le croit du moins - couler l'eau de Loir à quarante lieues d'ici ! Comme s'il n'avait pas répété cent fois à cette veuve, d'autant plus inconsolable qu'elle est consolée, que les autres femmes n'existent pas pour lui ! Comme si sa vieille tante, la comtesse de Cloyes, douairière, ne s'occupait pas depuis trois mois de le marier avec la veuve en question, qui ne le déteste pas, lui d'Albecourt, au contraire, mais qui aime par-dessus tout son indépendance et fait tirer quelque peu sa fine oreille rose avant de dire oui.Voyez-le, ce bel Amadis, s'avancer majestueusement, boutonné dans son pardessus. Il lorgne à droite, il lorgne à gauche, correctement, il est vrai, sans remuer la tête, sans se démancher le cou, ainsi que ferait un provincial débarqué du matin.- Mazette, la jolie blonde ! Ces bourgeoises vous ont aujourd'hui un chic étonnant. Mais il n'y a en

Nombre de pages : 12

Date de publication :

Éditeur : Audiocité

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