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Le train 081

Marcel Schwob

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Marcel Schwob, né à Chaville (Seine-et-Oise, aujourd'hui Hauts-de-Seine) le 23 août 1867 et mort à Paris le 26 février 1905, est un écrivain français — conteur, poète, traducteur, érudit — proche des symbolistes.Le Train 081Du bosquet où j'écris, la grande terreur de ma vie me paraît lointaine. Je suis un vieux retraité qui se repose les jambes sur la pelouse de sa maisonnette . et je me demande souvent si c'est bien moi - le même moi - qui ait fait le dur service de mécanicien sur la ligne P.-L.-M., - et je m'étonne de n'être pas mort sur le coup, la nuit du 22 septembre 1865.Je peux dire que je le connais, ce service de Paris à Marseille. Je mènerais la machine les yeux fermés, par les descentes et les montées, les entrecroisements de voies, les embranchements et aiguillages, les courbes et les ponts de fer. De chauffeur de troisième classe j'étais arrivé mécanicien de première, et l'avancement est bien long. Si j'avais eu plus d'instruction, je serais sous-chef de dépôt. Mais quoi ! sur les machines on s'abêtit . on peine la nuit, on dort le jour. De notre temps la mobilisation n'était pas réglée, comme maintenant . les équipes de mécaniciens n'étaient pas formées : nous n'avions pas de tour régulier. Comment étudier ? Et moi surtout : il fallait avoir la tête solide pour résister à la secousse que j'ai eue.Mon frère, lui, avait pris la flotte. Il était dans les machines des transports. Il était entré là-dedans avant 1860, la campagne de Chine. Et la guerre finie, je ne sais comment il était resté dans le pays jaune, vers une ville qu'on nomme Canton. Les Yeux-Tirés l'avaient gardé pour leur mener des machines à vapeur. Sur une lettre que j'avais reçue de lui en 1862, il me disait qu'il était marié, et qu'il avait une petite fille. Je l'aimais bien mon frère, et cela me faisait deuil ne ne plus le voir . et nos vieux aussi n'en étaient point contents. Ils étaient trop seuls, dans leur petite cahute, en campagne, tirant sur Dijon . et, leurs deux gars partis, ils dormaient tristement l'hiver, à petits coups, au coin du feu.Vers le moi de mai 1865, on a commencé à s'inquiéter à Marseille de ce qui se passait au Levant. Les paquebots qui arrivaient apportaient de mauvaises nouvelles de la mer Rouge. On disait que le choléra avait éclaté à la Mecque. Les pèlerins mouraient par milliers. Et puis la maladie avait gagné Suez, Alexandrie . elle avait sauté jusqu'à Constantinople. On savait que c'était le choléra asiatique : les navires restaient en quarantaine au lazaret . tout le monde était dans une crainte vague.Je n'avais pas grande responsabilité là-dessus . mais je peux dire que l'idée de voiturer la maladie me tourmentait beaucoup. Sûr, el

Nombre de pages : 6

Date de publication :

Éditeur : Audiocité

Le studio Littérature

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