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Sur les Femmes

Denis Diderot

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Denis Diderot Sur les femmes Œuvres complètes de Diderot, Texte établi par J. Assézat, Garnier, 1875-77, II (pp. 251-262). (1772) -------------------------------------------------------------------------------- J'aime Thomas . je respecte la fierté de son âme et la noblesse de son caractère : c'est un homme de beaucoup d'esprit . c'est un homme de bien . ce n'est donc pas un homme ordinaire. À en juger par sa Dissertation sur les Femmes [2], il n'a pas assez éprouvé une passion que je prise davantage pour les peines dont elle nous console que pour les plaisirs qu'elle nous donne. Il a beaucoup pensé, mais il n'a pas assez senti. Sa tête s'est tourmentée, mais son cœur est demeuré tranquille. J'aurais écrit avec moins d'impartialité et de sagesse . mais je me serais occupé avec plus d'intérêt et de chaleur du seul être de la nature qui nous rende sentiment pour sentiment, et qui soit heureux du bonheur qu'il nous fait. Cinq ou six pages de verve répandues dans son ouvrage auraient rompu la continuité de ses observations délicates et en auraient fait un ouvrage charmant. Mais il a voulu que son livre ne fût d'aucun sexe . et il n'y a malheureusement que trop bien réussi. C'est un hermaphrodite, qui n'a ni le nerf de l'homme ni la mollesse de la femme. Cependant peu de nos écrivains du jour auraient été capables d'un travail où l'on remarque de l'érudition, de la raison, de la finesse, du style, de l'harmonie . mais pas assez de variété, de cette souplesse propre à se prêter à l'infinie diversité d'un être extrême dans sa force et dans sa faiblesse, que la vue d'une souris ou d'une araignée fait tomber en syncope, et qui sait quelquefois braver les plus grandes terreurs de la vie. C'est surtout dans la passion de l'amour, les accès de la jalousie, les transports de la tendresse maternelle, les instants de la superstition, la manière dont elles partagent les émotions épidémiques et populaires, que les femmes étonnent, belles comme les séraphins de Klopstok, terribles comme les diables de Milton. J'ai vu l'amour, la jalousie, la superstition, la colère, portés dans les femmes à un point que l'homme n'éprouva jamais. Le contraste des mouvements violents avec la douceur de leurs traits les rend hideuses . elles en sont plus défigurées. Les distractions d'une vie occupée et contentieuse rompent nos passions. La femme couve les siennes : c'est un point fixe, sur lequel son oisiveté ou la frivolité de ses fonctions tient son regard sans cesse attaché. Ce point s'étend sans mesure . et, pour devenir folle, il ne manquerait à la femme passionnée que l'entière solitude qu'elle recherche. La soumission à un maître qui lui déplaît est pour elle un supplice. J'ai vu une femme honnête frissonner d'horreur à l'approche de son époux . je l'ai vue se plonger dans le bain, et ne se croire jamais assez lavée de la souillure du devoir. Cette sorte de répugnance nous est presque inconnue. Notre organe est plus indulgent. Plusieurs femmes mourront sans av

Nombre de pages : 15

Date de publication :

Éditeur : Audiocité

Le studio Littérature

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