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Un coq chanta

Guy de Maupassant

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Guy de MaupassantUn coq chantaContes de la bécasse, V. Havard, 1894 (pp. 217-228).À René Billotte.Mme Berthe d'Avancelles avait jusque-là repoussé toutes les supplications de son admirateur désespéré, le baron Joseph de Croissard. Pendant l’hiver, à Paris, il l’avait ardemment poursuivie, et il donnait pour elle maintenant des fêtes et des chasses en son château normand de Carville.Le mari, M. d’Avancelles, ne voyait rien, ne savait rien, comme toujours. Il vivait, disait-on, séparé de sa femme, pour cause de faiblesse physique, que madame ne lui pardonnait point. C’était un gros petit homme, chauve, court de bras, de jambes, de cou, de nez, de tout.Mme d’Avancelles était au contraire une grande jeune femme brune et déterminée, qui riait d’un rire sonore au nez de son maître, qui l’appelait publiquement « Madame Popote » et regardait d’un certain air engageant et tendre les larges épaules et l’encolure robuste et les longues moustaches blondes de son soupirant attitré, le baron Joseph de Croissard.Elle n’avait encore rien accordé cependant. Le baron se ruinait pour elle. C’étaient sans cesse des fêtes, des chasses, des plaisirs nouveaux auxquels il invitait la noblesse des châteaux environnants.Tout le jour les chiens courants hurlaient par les bois à la suite du renard et du sanglier, et, chaque soir, d’éblouissants feux d’artifice allaient mêler aux étoiles leurs panaches de feu, tandis que les fenêtres illuminées du salon jetaient sur les vastes pelouses des traînées de lumière où passaient des ombres.C’était l’automne, la saison rousse. Les feuilles voltigeaient sur les gazons comme des voilées d’oiseaux. On sentait traîner dans l’air des odeurs de terre humide, de terre dévêtue, comme on sent une odeur de chair nue, quand tombe, après le bal, la robe d’une femme.Un soir, dans une fête, au dernier printemps, Mme d’Avancelles avait répondu à M. de Croissard qui la harcelait de ses prières : « Si je dois tomber, mon ami, ce ne sera pas avant la chute des feuilles. J’ai trop de choses à faire cet été pour avoir le temps. » Il s’était souvenu de cette parole rieuse et hardie . et, chaque jour, il insistait davantage, chaque jour il avançait ses approches, il gagnait un pas dans le cœur de la belle audacieuse qui ne résistait plus, semblait-il, que pour la forme.Une grande chasse allait avoir lieu. Et, la veille, Mme Berthe avait dit, en riant, au baron : « Baron, si vous tuez la bête, j’aurai quelque chose pour vous. »Dès l’aurore, il fut debout pour reconnaître où le solitaire s’était baugé. Il accompagna ses piqueurs, disposa les relais, organisa tout lui-même pour préparer son triomphe . et, quand les cors sonnèrent le départ, il apparut dans un étroit vêtement de chasse rouge et or, les reins serrés, le buste large, l’œil radieux, frais et fort comme s’il venait de s

Nombre de pages : 7

Date de publication :

Éditeur : Audiocité

Le studio Littérature

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