Retour

Un drame dans la haie

Louis Pergaud

BTN Ajouter à une liste
Un drame dans la haieparLouis PergaudLa grande haie de la Combe était morne depuis des jours et des jours . nul chant, nul pépiement, nul froufrou d'aile n'émouvaient avec le sang des aurores ses loges de verdure, ses corridors feuillus, ses terrasses suspendues ou flottantes que parfumaient comme tous les ans les mêmes fleurs du bel été.Il en était ainsi depuis de longs soleils déjà et le petit peuple ailé qui avait voulu cet isolement et réalisé cet abandon savait qu'il en serait ainsi longtemps encore. L'hiver seul, en coupant de ses ciseaux de gel les frondaisons maudites, pouvait exorciser le charme maléfique planant sur cette solitude, et endormir et abolir les ressouvenances au coeur des oiseaux.La grande haie était muette. Le petit peuple s'était tu et avait émigré.Et pourtant quel printemps riche de concerts elle avait eu ! Un printemps de chansons à rendre jaloux les lourds massifs de la Combe et les vieilles assemblées de pommiers des vergers.Seuls, dans les rez-de-chaussée et les sous-sols humides, les citoyens silencieux de la grande cité continuaient leur vie comme devant, insoucieux, semblait-il, de l'exode brusque de leurs rapides et bruyants petits voisins des étages supérieurs.Successivement, au fur et à mesure que les petits étaient devenus forts et avaient commencé à se confier pour un vol très court à leurs faibles ailes, les nitées, jour par jour, une à une avaient fui vers les enclos des vergers proches ou les berceaux feuillus des arbres hospitaliers.Les familles de mésanges et de fauvettes, celle du chardonneret du pommier sauvage et jusqu'à la nitée du petit troglodyte du gros tronc pourri s'écaillant sous les mousses, toutes avaient fui épouvantées de l'assassinat commis par Maubec, la pie-grièche, horrifiées par la vue de la petite victime déchiquetée et saignante à son poteau d'épine.C'était pourtant une cité tranquille que la Grande Haie. Les éperviers et les buses ne s'y aventuraient plus guère depuis le jour où l'homme ami, porteur du fusil, ce tonnerre éclatant et terrible, avait fait siffler la colère de ses plombs par les éclaircies de rameaux, hachant les branches et perçant les feuilles. Des gîtes sombres où ils s'étaient tapis, les passereaux étonnés avaient vu la vieille buse chasseresse au bec féroce, dont les incursions barbares semaient le deuil dans leur canton, plonger tout à coup en avant la tête sans force et les pattes mortes. Et les premiers voisins, dont tout le corps n'était que frisson, l'avaient vue, inerte, l'oeil trouble, se laisser saisir par la main puissante du terrible allié et disparaître dans les profondeurs mystérieuses d'un sac s'ouvrant comme une gueule. Nul n'était à l 'abri de ses coups, pas plus Piétors le lézard que Rana la grenouille ou que Froidvif, l'orvet timide et fragile qui fuyait devant la fourche et le râteau des faneurs en profitant des tunnels d

Nombre de pages : 12

Date de publication :

Éditeur : Audiocité

Le studio Littérature

De la même thématique Littérature

Du même auteur Louis Pergaud